Le petit traité de cyber-psychologie de Serge Tisseron, le guide des relations homme - machine

Couverture de l'ouvrage Le petit traité de cyber psychologie de Serge Tisseron

Titre : Petit traité de cyber-psychologie
Auteur :  Serge Tisseron
Éditeur : Éditions Le Pommier
Pages : 300
Année : 2018
ISBN : 978-2-746-516977

 

Les robots sont de plus en plus présents autour de nous et leur nombre augmente très vite. Leurs formes et leurs usages se diversifient, et l’Intelligence Artificielle qui les gouverne est présentée partout comme la réponse possible à des enjeux sociétaux majeurs. Or, nous avons pris un retard considérable dans la compréhension des relations que l’homme entretient avec ses objets technologiques. C’est dans ce but qu’a été écrit ce ouvrage qui se veut un « guide psychologique » des relations entre l’homme et ses machines. Comment allons-nous considérer ces machines à partir du moment où nous interagirons avec elles comme avec des humains tout en sachant que nous ne pourrons pas leur donner les mêmes droits moraux et les mêmes responsabilités qu’à des humains ? Et de quelle façon allons-nous modifier l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes lorsqu’elles nous ressembleront de plus en plus ? Comment seront modifiées nos façons de penser et de ressentir lorsqu’elles seront capables de manifester des émotions et de les traduire en mots bien mieux que certains humains ? Comment protégerons-nous notre vie privée, et notre dignité, face aux robots ? Génèreront-ils plus de socialisation ou plus d’isolement social ? C’est notre capacité à nous poser les bonnes questions aujourd’hui qui nous permettra de leur apporter les bonnes réponses demain

A propos de Serge Tisseron:

Serge Tisseron est psychiatre, Membre de l’Académie des technologies et du Conseil national du numérique (CNNUM), docteur en psychologie habilité à diriger des recherches (HDR) en Sciences Humaines cliniques, Membre du Conseil Scientifique du Centre de recherches Psychanalyse, Médecine et Société.

Il a écrit de très nombreux ouvrages qui s’intéressent à nos relations aux objets technologiques, notamment ceux dont l’interface utilise un écran. Il a également été à l’initiative des balises 3, 6, 9 et 12 ans, pour protéger nos enfants des dangers des écrans et leur apprendre à s’auto guider et à s’auto protéger.

Table des matières du Petit Traité de cyber-psychologie:

Introduction
Accordage affectif
Affection
Affordance
Animisme
Anthropomorphisme
Anxiété
Apparence
Apprentissages
Attachement
Attention (économie de l’)
Augmentation (homme augmenté)
Autisme
Autonomie
Chatbot
Cobot
Confiance
Conscience
Corps
Culpabilité
Déni
Dépendance
Deuil
Dissonance cognitive
Droits (Des robots)
Émotions
Empathie
Empathie Artificielle
Éthique
Étrangeté
Extimité
Honte
Humour (machine)
Hybridation
Identification
Identification projective
Identité
Inconscient
Individuation / Individualisation / Subjectivation
Intelligence Artificielle
Interconnexion
Intimité
Langage
Liberté
Maltraitance
Mémoires
Morale
Narcissime
Objet transitionnel
Partiel
Politesse
Prévisibilité, imprévisibilité
Réalité virtuelle
Robot
Sexualité
Simplexité
Simulation
Souffrance
Thérapeute
Transfert
Remerciements
Notes

Mon avis sur l'ouvrage Petit Traité de Cyber-Psychologie de Serge Tisseron

L’ouvrage Petit Traité de Cyber-Psychologie se lit très facilement grâce à un chapitrage par concept organisé par ordre alphabétique et est adapté aux non spécialistes de la psychologie. Les talents de vulgarisation de Serge Tisseron y jouent naturellement pour beaucoup. De très nombreux scénarios actuels ou plus ou moins distants sont étudiés de manière détaillée et compréhensible.

Les mécanismes psychologiques sont bien expliqués et le propos a volonté de nous préparer à une cohabitation inévitable que sera celle des robots avec les humains. J’ai apprécié le traitement équilibré et objectif de l’analyse, qui explicite clairement les enjeux, les risques (dissonance et risques de manipulations cognitives, identification, capture de la donnée, etc..) et les promesses (humain augmenté, aide à la personne, apprentissage, etc.).

Il est même possible qu’après la lecture de l’ouvrage, vous ne regardiez plus du tout votre aspirateur robot de la même manière.

En résumé, comme vous l’avez compris, j’ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre. Et ce qui ne gâche rien, j’ai le plaisir d’avoir M. Tisseron en tant qu’intervenant dans le cadre de mon MBA Cybersécurité à l’ESG, et ça, ca donne un tout autre relief aux propos :).

Les concepts et idées ayant retenu mon attention dans Petit Traité de Cyber-psychologie de Serge Tisseron

  • Les technologies numériques ont changé notre rapport au savoirs, aux apprentissages, à la construction de l’identité et aux formes de la sociabilité. L’IA et la robotique vont modifier l’idée que nous nous faisons du corps, de la liberté, de la conscience et finalement de ce qui fait notre humanité.
  • L’être humain n’est décidément pas préparé par l’évolution à gérer le développement de la robotique. Il n’était pas prêt non plus à gérer  l’accès permanent à des sources d’alimentation inépuisables (le sucre dans la nature est rare). Hélas, pour tous ceux qui ont aujourd’hui de la confiture et des biscuits plein leur placard, et un magasin d’alimentation au coin de leur rue, cet avantage évolutif est devenu un danger. En sera-t-il de même avec les robots ?
  • Illusion d’une réciprocité complète, En effet, ces machines seront les premières à créer deux illusions complémentaires : avoir besoin de nous pour évoluer, et se soucier de nos besoins et de nos désirs.
  • Dissonance cognitive : Il y a quelques années, l’état-major américain a été étonné de découvrir que des soldats utilisant des robots démineurs en Irak et en Afghanistan pouvaient s’attacher à eux comme à des animaux domestiques, voir comme à des êtres humains (Paragraphe 59 f). L’état-majeur pensa d’abord qu’une mauvaise compréhension de la nature du robot était la cause de cette confusion. Tous les soldats furent encouragés à démonter et à remonter leurs robots démineurs.
  • Lors de son expérience ELIZA, Weizenbaum déclara alors qu’il n’aurait jamais imaginé que de courtes interactions avec un programme informatique aussi simple seraient capables de susciter chez des personnes normales de tels délires…
  • Une étude longitudinale menée par Linda Pagani depuis 1997 a montré que les enfants ayant passé plus d’une heure par jour devant la télévision entre deux et trois ans (à l’époque, il n’y avait ni tablette ni téléphone mobile) ont moins de compétences relationnelles et sociales à l’âge de treize ans et que leurs capacités d’empathie sont réduites. (p.129).
  • La supériorité de l’humain, pourrait aussi être rapidement contestée dans ces domaines-là. L’être humain […] devrait alors avoir recours à des implants cérébraux lui permettant d’augmenter ses propres capacités. Pour beaucoup, le saut sera probablement difficile à accepter. Certains pourront avoir honte face aux yeux des autres et s’appuyer sur ces sortes de prothèses et non plus sur leur esprit, un peu comme certains cachent aujourd’hui leurs appareils auditifs sous leur chevelure…Inversement, d’autres risquent de ressentir la honte de ne pas pouvoir offrir à leurs enfants des machines susceptibles d’augmenter leur puissance, les condamnant du même coup à en faire des citoyens de seconde zone (L. Alexandre, la guerre des intelligences, 2017).
  • Une tendance inévitable : Il ne s’agit plus seulement d’externaliser certaines fonctions humaines dans des objets technologiques, mais d’installer ces objets dans nos corps mêmes, à l’extérieur de nos cellules, y compris dans le cerveau sous la forme de nanorobots destinés à décupler nos possibilités cognitives… Bientôt, certaines professions nécessiteront que des employés habitent des exosquelettes destinés à décupler leurs possibilités.
  • Dans Carne y arena, le réalisateur Alejandro Gonzales Inarritu, le « spectacteur » se retrouve dans le corps d’un migrant mexicain qui tente de passer la frontière et de rejoindre les USA. Ces technologies vont nous permettre de nous mettre émotionnellement et sensoriellement à la place d’autrui comme aucune autre technologie ne l’a permis jusqu’ici (p.167).
  • La politesse avec les robots : pour ma part, je serais plutôt pour laisser les enfants explorer la réactivité des robots sans leur mettre aucun frein moral : ils y apprendront la différence qui sera encore longtemps valable entre l’homme et la machine !
  • Risque pour la société: Ceux qui ont une vraie vie riche et gratifiante proche de leur idéal de vie auront la force de se détourner des mirages de la Réalité Virtuelle. Mais d’autres risquent de préférer passer le plus clair de leur temps dans une bulle de réalité virtuelle plutôt que dans le vrai monde, qui apparaîtra par comparaison fade, voir laid. (en lien avec cette analyse, voir le film Ready Player One qui en est une belle illustration).
  • Reed Hastings, le patron de Netflix, prévoit qu’une pilule pourrait bientôt nous donner le souvenir précis d’avoir vécu une histoire (voir Total Recall ou l’implant d’un souvenir ou une aventure fictive)

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