La guerre de l’information de David Colon
Dans son livre La Guerre de l’information, David Colon nous détaille comme les États partent à la conquête de nos esprits.

Résumé du livre La guerre de l’information de David Colon
Une guerre à laquelle nous n’étions pas préparés se déroule sous nos yeux, pour l’essentiel sans que nous en soyons conscients. Elle constitue pour nos démocraties une menace mortelle.
Depuis la fin de la guerre froide et l’essor d’Internet, la militarisation de l’information bouleverse l’ordre géopolitique. La guerre de l’information, qui oppose les États autoritaires aux régimes démocratiques, démultiplie les champs de bataille et fait de chaque citoyen un potentiel soldat. Plus que jamais, la puissance des États dépend de leur capacité à mettre leurs moyens de communication au service de leur influence, en recourant à la cyberguerre, à la désinformation ou à l’instrumentalisation de théories du complot.
David Colon décrit les mécanismes de cette guerre en dévoilant les stratégies de ses acteurs : agents secrets, diplomates ou hackers.
A propos de l’auteur David Colon
David Colon est chercheur an Centre d’histoire de Sciences Po et membre du groupement de recherche Internet, IA et Société du CNRS. Il est notamment l’auteur des Maîtres de la manipulation (Texto, 2023) et Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain (Flammarion, 2021).
Son ouvrage La Guerre de l’information a reçu le Prix de la Revue des Deux Mondes 2024, le Prix Corbay de l’Académie des sciences morales et politiques 2024 et le Prix La Plume et l’Épée 2024.
Table des matières de La guerre de l’information de David Colon
INTRODUCTION. – La guerre que l’on n’a pas vue venir
CHAPITRE PREMIER. – La guerre du Golfe, point de départ de la guerre de l’information mondiale
CHAPITRE 2. – Les États-Unis en quête de domination globale de l’information
CHAPITRE 3. – Les résistances face à la domination informationnelle américaine
CHAPITRE 4. – Les médias, champ de bataille de la guerre secrète de l’information
CHAPITRE 5. – La guerre des boutons de partage sur les médias sociaux
CHAPITRE 6. – La Russie déclenche la guerre totale de l’information
CHAPITRE 7. – La cyberguerre mondiale
CHAPITRE 8. – La guerre contre l’information : la désinformation, arme de déstabilisation massive
CHAPITRE 9. – La France face à une guerre qu’elle tarde à reconnaître comme telle
CHAPITRE 10. – Les théories du complot et la guerre psychologique
CHAPITRE 11. – L’Ukraine, théâtre de la guerre 3.0
CHAPITRE 12. – La Chine et l’avenir de la guerre cognitive
CONCLUSION. – Pour un état d’urgence informationnel
POSTFACE À LA NOUVELLE ÉDITION. – La guerre de l’information a bien eu lieu
NOTES
GLOSSAIRE
LISTE DES SIGLES
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOMS DE PERSONNES
Caractéristiques de La guerre de l’information de David Colon
Nombre de pages
528
Langue
Française
Année de publication
2024
Éditeur
Tallandier
ISBN
979-10-210-64430
Mon avis sur l’ouvrage La guerre de l’information de David Colon
La guerre de l’information est un conflit politique mondial dont l’enjeu final est notre esprit. Les États cherchent à capter notre attention, à susciter notre engagement ou notre désengagement, à influencer nos conduites en instrumentalisant les failles de notre raisonnement et de notre psychologie.
Dès les années 1960, la Russie théorise la nécessité de gagner les territoires par la conquêtes des esprits, nourrit par le sentiment que les États-Unis ont avant tout gagné la guerre froide en lançant une attaque informationnelle contre l’URSS. Elle s’est imposée ces dernières décennies sur la scène mondiale comme la plus habile des nations : ingérences étrangères, déstabilisation, manipulation, influence sur les processus électoraux…
À travers une mécanique de désinformation implacable, la Russie influence et manipule les opinions publics : Relais des messages du Kremlin par des experts intervenants sur les plateaux TV et dans les rédactions sous influence russe comme RT et Sputnik, les éléments de langages sont ensuite rapidement repris par des influenceurs et amplifiés par des usines à trolls pour augmenter la viralité des messages.
La Chine n’est pas en reste et promulgue en 2003 sa doctrine des trois guerres qui vise à « saper les institutions internationales, à modifier les frontières et à subvertir les médias mondiaux, le tout sans tirer un seul coup de feu ». La célèbre application TikTok fait partie intégrante de cette guerre cognitive en encourageant ses utilisateurs, et donc plus particulièrement notre jeunesse, à réagir à des stimuli et non à réfléchir. La Chine, à travers son application spécialement calibrée pour l’occident, dé-cérébralise toute une génération, face à des gouvernements démocratiques qui, probablement sous l’effet de sidération, semblent comme paralysés.
Dans cet écosystème informationnel, nous retrouvons des plateformes numériques qui ont les moyens de modérer l’information comme elles l’ont déjà démontré avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine mais qui ont trop à perdre financièrement à s’autoréguler. Des centaines de millions d’euros sont dépensés par la Russie et la Chine dans les régies publicitaires des réseaux sociaux pour accompagner leurs récits et alimenter la désinformation à travers du micro-ciblage publicitaire (voir le scandale Cambridge Analytica).
Et dans cette histoire, la France est malheureusement l’une des principales victimes. En Afrique, en Europe, dans le monde Arabe, nos positions sont fragilisées et notre influence diminuée. À l’intérieur même de nos frontières, les ennemies de l’occident alimentent les polémiques, instrumentalisent les médias et fragmentent la société (comme l’affaire des cercueils sous la Tour Eiffel ou les étoiles de David taguées sur des immeubles de la région Parisienne).
Et ce fameux quatrième pouvoir que représente la presse ? David Colon revient sur la dépendance croissante des médias envers les grandes agences de presse (AP, AFP…), notamment dû à la réduction drastique du nombre de journalistes. Les médias ne peuvent plus jouer le rôle de portiers de l’information et semblent dépassées et plus que jamais manipulables (les faux commentaires sur lefigaro.fr…).
Depuis une dizaine d’années, les entreprises privées proposant d’influencer les opinions publiques se sont multipliées (Teams Jorge, Avisa Partners…). Ces agences de relations publiques, véritables mercenaires, utilisent les réseaux sociaux comme théâtre de guerre mondiale de l’information, quitte à jouer contre leur propre pays.
Et pour ne rien arranger, l’engagement déterminant des GAFAM dans le conflit Russo-Ukrainien pour le compte de l’Ukraine nous rappelle les risques liés à notre dépendance aux services numériques américains. Que ce passerait-il en cas de conflit ouvert ou larvé entre les États-Unis et certains pays d’Europe ?
La France, comme de nombreuses autres démocraties, après des décennies de naïveté confondante, semble enfin avoir pris la mesure de l’enjeu et s’est équipée ces dernières années d’instruments et de doctrines plus adaptées à cette guerre de l’information. On notera notamment l’ajout de la lutte informatique d’influence (la L2I) à notre doctrine de cyberdéfense, qui vise à détecter, caractériser et contrer les attaques informationnelles.
L’heure est à l’état d’urgence informationnelle Après avoir réalisé un état des lieux alarmant, l’auteur propose quelques pistes pour combattre cette guerre attentionnelle comme favoriser une coopération effective de tous les acteurs concernées (Du COMCYBER, à Viginum en passant par le ministère de l’Éducation nationale et France Médias Monde), rompre avec la culture française de non-attribution des attaques, obliger les entités et les individus menant des actions d’influence pour le compte de pays étrangers à s’enregistrer et à déclarer leurs opérations, interdire les sociétés spécialisées dans l’influence, le lobbying ou les relations publiques de mener des opérations d’influence à la fois pour l’État à l’étranger et pour des régimes autoritaires à l’intérieur de nos frontières, responsabiliser les géants du numérique, traiter les éditeurs numérique comme les éditeurs de presse et enfin réguler les réseaux sociaux (et la manière dont ils contrôlent notre attention).
Vous l’aurez compris, si la situation est grave, elle n’est pas encore désespérée. À condition que la réponse des démocraties soit à la hauteur des risques encourus (et qui augmentent, notamment avec l’influence des IA générative sur les campagnes de désinformation). La Guerre de l’information, un récit édifiant sur l’état du monde, dont je recommande assurément la lecture.
Extraits et concepts du livre de La guerre de l’information de David Colon
Conquérir les esprits dans l’État ennemi
Dans les guerres précédentes, écrit [dans les années 1960 Evgeny Messner, un officier de la Russie impériale exilé en Occident], la conquête du territoire était considérée comme le plus important. Désormais, il s’agira de la conquête des esprits dans l’État ennemi. Aux trois dimensions traditionnelles de la guerre (terre, mer, air), il convient à ses yeux d’en ajouter une quatrième : la « psyché des nations combattantes » […] L’idée que les États-Unis ont gagné la guerre froide en lançant une attaque informationnelle contre l’URSS est également défendue par Igor Nikolaevitch Panarin, ancien doyen de l’école des diplomates étrangers du ministère russe des Affaires étrangères et principal théoricien russe de la guerre de l’information. (p.81)
La CIA est la plus grande agence de presse au monde
En 1978, la CIA dépense au moins 265 millions de dollars en propagande, soit l’équivalent du budget combiné des trois plus grandes agences de presse mondiales. Au demeurant, elle dispose également d’agents sous couverture dans les bureaux étrangers d’AP et de United Press International (UPI), et peut compter sur leurs homologues du MI6 (Secret Intelligence Service), implantés chez Reuters. Autrement dit, la CIA est alors, en secret, la plus grande agence de presse au monde. (p.98)
La vérification des faits et le recoupement des sources par les journalistes sont devenus l’exception
En France, Julia Cagé, Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud ont procédé à l’étude systématique de l’ensemble du contenu produit en ligne pendant l’année 2013 par 86 médias, dont l’Agence France Presse, 59 journaux, 9 télévisions, 7 radios et 10 médias exclusivement en ligne (pure players). Ils constatent que les médias français, y compris ceux de référence, se contentent régulièrement de reprendre les contenus originaux produits par l’AFP ou leurs concurrents, en omettant dans 92 % des cas de créditer leur source : 64 % de l’information produite en ligne par les médias d’information, écrivent les auteurs de l’étude, est du copié-collé pur et simple. La moitié des événements couverts par les médias français donnent lieu à une reprise en moins de 25 minutes. En 2016, une étude portant sur 1,8 million d’articles publiés par le HuffPost montre que seuls 44 % ont été écrits par des journalistes de l’équipe et peuvent être considérés comme originaux. (p.113)
L’industrialisation de l’infox
Avisa Partners, une société d’intelligence économique et de cybersécurité, spécialisée dans « l’e-réputation », influence l’information en France et à l’étranger pour le compte de ses riches clients, d’États et d’institutions publiques. Outre la production d’articles, elle proposerait à ses clients la création de faux comptes sur les réseaux sociaux, ou la modification en leur faveur des pages de l’encyclopédie collaborative Wikipédia. Avisa Partners a été fondée en 2010 sous le nom d’iStrat par Matthieu Creux, le fils de l’ancien directeur de la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD), et Arnaud Dassier, un ancien collaborateur de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Ils se défendent de manipuler l’information, considérant leur activité comme « une prestation d’accompagnement ou de mobilisation qui permet à [leurs] clients de contribuer légalement et utilement au débat public […] Avisa Partners est dotée d’une capacité de cyberattaque, ce qui fait craindre aux services secrets français, selon les journalistes de Mediapart, que ce « groupe privé ultrapuissant, mû prioritairement par les recherche du profit, puisse interférer dans le grand jeu du renseignement étatique, voire joue contre les intérêts français selon les circonstances et les clients. (p.120)
Les plateformes numériques ont les moyens de modérer l’information, si elles le veulent
À la fin de l’année 2016, il y a six fois plus de contenu anti-Daech sur Internet que de contenu pro-Daech, et seul 0,0124 % du contenu de Twitter est favorable à l’État islamique. Les États démocratiques ont donc rattrapé leur retard dans la guerre de l’information contre Daech, qui se retrouve confiné dans le Darknet et les messageries cryptées, où l’organisation terroriste ouvre un nouveau front, moins visible. (p.157)
Le Brexit, ou le triomphe de Vladimir Poutine
En outre, les contenus des médias internationaux russes et des médias britanniques pro-Brexit sont amplifiés par les bots de l’IRA : sur Twitter, moins de 1 % des comptes génèrent à eux seuls près d’un tiers de tous les messages, et les bots pro-Brexit sont cinq fois plus nombreux que ceux du « Remain ». Les articles en faveur du Brexit diffusés sur les médias sociaux par les comptes des chaînes RT et Sputnik ont été vus 134 millions de fois, contre 44 millions pour l’ensemble du contenu partagé par les sites officiels des partisans du « Leave ». Sur Facebook, Sputnik gère 289 pages et 75 comptes totalisant 790 000 followers, dépense 135 000 dollars en publicité, et organise 190 événements entre 2013 et 2019. Sur Twitter, l’IRA pilote 419 comptes très actifs. (p.179)
L’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine
Twitter a conclu que la propagande générée par la Russie avait été transmise aux utilisateurs 454,7 millions de fois. Au total, pendant la campagne, 400 000 bots s’affrontent sur Twitter, les deux tiers en faveur de Donald Trump. Les tweets de ce dernier ont été partagés 469 537 fois par des comptes russes. L’IRA est à l’origine de 3 841 comptes Twitter qui ont produit 10,4 millions de publications et 73 millions d’engagements (likes, partages, commentaires). Sur Facebook, 126 millions de citoyens américains ont été exposés aux messages diffusés par 81 pages gérées par l’IRA, qui a dépensé 100 000 dollars en publicités. En septembre 2016, le budget de l’IRA s’élève à quelque 1,25 million de dollars. Sur Instagram, l’IRA a publié 116 000 contenus qui ont obtenu 187 millions d’engagements. L’usine de Saint-Pétersbourg a également produit 1 100 vidéos diffusées sur 17 chaînes Youtube. (p.188)
Exploiter chaque faille de l’esprit humain
De la même façon que les hackers exploitent les failles des systèmes d’information, les désinformateurs exploitent chaque faille identifiée de l’esprit humain, ces biais cognitifs qu’en Occident, les psychologues sociaux et les économistes comportementaux ont soigneusement étudiés et recensés, et que les propagandistes s’emploient à instrumentaliser. (p.257)
Le corps doctrinal de cyberdéfense de la France : LID, LIO et L2I
Complémentaire de la LID (lutte informatique défensive) et de la LIO (lutte informatique offensive), la L2I (lutte informatique d’influence) désigne les opérations militaires conduites à l’extérieur du territoire national dans la couche cognitive du cyberespace pour « détecter, caractériser et contrer les attaques, appuyer la StratCom, renseigner ou faire de la déception, de façon autonome ou en combinaison avec d’autres opérations ». (p.289)
La France, théâtre de cette guerre informationnelle qui oppose les dictatures aux démocraties
En 2021, l’historien Hamit Bozarlsan, né en Turquie, publie L’Anti-démocratie au XXe siècle, un livre dans lequel il décrit la « fuite en avant » de l’Iran, de la Russie et de la Turquie, engagées dans un processus de radicalisation pour lutter contre leurs ennemis, les démocraties, au nom de leur « mission historique ». En raison de son histoire, et de sa vocation universelle, la France est l’un des principaux théâtres et enjeux de cette guerre informationnelle mondiale qui oppose désormais les dictatures aux démocraties. (p.294)
La course au microciblage psychologique sur Facebook
La conférence du chercheur [Aleksandr Kogan] a suscité un vif intérêt de la part du GRU et de l’Internet Research Agency, qui voyaient dans ses travaux le moyen de transformer Facebook en une arme contre ses propres utilisateurs. Grâce à la nouvelle technique de micro-ciblage psychologique sur les réseaux sociaux, il devenait du jour au lendemain plus facile de pirater des cerveaux que des serveurs. Qu’il en fût ou non conscient, Kogan a alors livré clés en main à la Russie les plans de l’une des armes de manipulation de masse les plus perfectionnées de l’histoire. (p.296)
L’Ukraine, théâtre de la guerre 3.0
Ces unités des forces armées conventionnelles conduisent au niveau tactique des opérations d’influence psychologique qui ciblent principiellement les combattants, en recourant notamment à des intercepteurs d’IMSI (International Mobile Subscriber Identity (IMSI)-catcher), qui simulent de fausses antennes-relais entre les réseaux téléphoniques et les portables des soldats géolocalisés. Ce jour-là, les soldats ukrainiens déployés sur le front du Donbass reçoivent sur leur téléphone portable des SMS les informant que « l’armée russe est déjà à Donetsk et Louhansk » et les enjoignant de « retourner à la maison tant qu’il est encore temps ». Sur le front, l’armée russe recourt la nuit, pour des PsyOps, à des véhicules équipés du système ZS-82, un haut-parleur qui diffuse des sons imitant le mouvement d’une colonne de chars. (p.330)
L’industrie américaine de la tech se mobilise pour défendre l’Ukraine
Le Cyber Command et la NSA s’appuient notamment sur leurs sous-traitants : Booz Allen Hamilton, CACI International qui compte 20 000 salariés, ainsi que SAIC qui emploie 15 000 salariés, qui mènent des opérations informationnelles défensives et offensives. L’Agence américaine de cybersécurité fait de même. Ensuite, l’industrie américaine de la tech, à commencer par Google et Microsoft, s’est mobilisée pour défendre l’Ukraine, en l’aidant à déjouer les attaques reposant sur des failles de sécurité de leurs outils, et à migrer ses données sensibles dans des serveurs informatiques à distance (cloud), à l’abri de la destruction physique de ses ordinateurs et de ses serveurs […] « Le front russo-ukrainien passe en fait par Redmond, déclare Brad Smith, le président de Microsoft ». (p.335)
La contre-offensive informationnelle de la Russie en France
Même sans RT et Sputnik, le Kremlin n’a guère de mal à instrumentaliser les médias français. Présente dans le Donbass au début de l’invasion de l’Ukraine, la journaliste de TF1 et LCI Liseron Boudoul couvre le conflit du point de vue russe. Son « fixeur », Charles d’Anjou, un Français expatrié en Russie, lui permet d’obtenir l’interview exclusive de Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russes. Accusée par l’Ukraine de complaisance à l’égard de Moscou, elle considère de son devoir de journaliste de rendre compte de tous les points de vue, et offre à la Russie l’opportunité d’introduire ses récits dans le très populaire journal de TF1. Ses liens avec Liseron Boudoul permettent également à Charles d’Anjou d’intervenir plusieurs fois à l’antenne de TF1 et de LCI et d’y promouvoir le point de vue russe. (p.350)
La doctrine chinoise des « trois guerres »
Pour mettre en œuvre son « rêve chinois », Xi Jinping s’appuie en premier lieu sur l’Armée Populaire de Libération (APL), qui est depuis l’époque de Mao l’élément clé de la stabilité du régime. Mettant en avant son rôle de « commandant en chef », Xi Jinping entreprend une réorganisation et une modernisation de l’armée chinoise. […] Sur le plan doctrinal, l’armée chinoise a fait sienne la doctrine des « trois guerres », promulguée en 2003, qui vise à « saper les institutions internationales, à modifier les frontières et à subvertir les médias mondiaux, le tout sans tirer un seul coup de feu ». Cette nouvelle doctrine repose sur trois composantes : la guerre psychologique, la guerre de l’opinion publique et la guerre du droit. La guerre psychologique consiste à influencer et perturber les capacités de décision de l’adversaire, et à diminuer la volonté d’agir de ses dirigeants en démoralisant son personnel militaire et sa population civile […] La guerre de l’opinion publique vise à influencer et conditionner les perceptions à travers les médias tant chinois qu’étrangers, ainsi qu’à travers l’édition et le cinéma […] Enfin, la guerre du droit implique l’exploitation et la manipulation des systèmes juridiques, à toutes les échelles politiques dans le but d’obtenir des gains politiques, commerciaux ou militaires. (p.363)
TikTok affaiblit les grandes puissances occidentales en captant massivement l’attention de leur jeunesse
À bien des égards, en effet, TikTok apparaît comme une arme au service d’une « guerre chinoise de l’opium 2.0 », selon la formule de William-Jin Robin. En 1839, le Royaume-Uni déclare la guerre à la Chine à la suite de l’interdiction par la dynastie Qing de la vente d’opium dont l’Empire britannique avait le monopole et organisait l’importation illégale depuis l’Inde. […] Aujourd’hui, la diffusion de TikTok dans le monde apparaît comme une revanche historique de la Chine, qui affaiblit les grandes puissances occidentales en captant massivement l’attention de leur jeunesse et en la détournant d’activités plus utiles. […] L’application est conçue pour encourager ses utilisateurs à réagir à des stimuli, et non à réfléchir, à travers un visionnage passif, tandis que le système algorithmique présidant à la sélection des vidéos qui défilent établit une relation intime avec la cognition et la psychologie des utilisateurs. (p.382)
Ingérences informationnelles
L’heure est à l’état d’urgence informationnelle, c’est-à-dire à l’adoption de mesures d’exception pour défendre nos libertés en danger de disparaître, et pour mettre nos esprits à l’abri des ingérences de régimes autoritaires.
Elon Musk, un agent d’influence du Kremlin
Musk s’est affiché de plus en plus ouvertement comme un agent d’influence du Kremlin. En février 2024, par exemple, quelques jours après la révélation de l’utilisation par la Russie de dispositifs satellitaires Starlink de SpaceX, Musk s’oppose publiquement à l’aide militaire à l’Ukraine en déclarant « qu’il est impossible que Poutine perde la guerre en Ukraine ». En août 2024, la justice américaine dévoile l’implication dans le rachat de Twitter du fonds de capital-risque des fils de deux oligarques russes proches du Kremlin sous sanctions occidentales. En octobre 2024, le Wall Street Journal révèle qu’Elon Musk a des contacts réguliers et secrets avec Vladimir Poutine depuis la fin de l’année 2022. Enfin, son engagement affiché auprès de Trump dans la campagne américaine depuis juillet n’est certainement pas pour déplaire au maître du Kremlin. (p.416)
CopyCop, le spécialiste russe de la désinformation par IA générative
Le directeur du FBI, Christophe Wray, a souligné le 4 septembre 2024 à propos de Doppelgänger « l’ampleur des opérations d’influence du gouvernement russe et sa dépendance à l’égard de l’IA de pointe pour semer la désinformation ». Le nouveau réseau de désinformation CopyCop, identifié en mars 2024, a fait quant à lui sa spécialité du contenu de désinformation utilisant des modèles d’IA générative (LLM) à grande échelle via des sites inauthentiques en anglais et en français.