Ces jeunes qui ont décidé de quitter les réseaux sociaux

Avoir moins de 30 ans et ne pas ou plus être sur les réseaux sociaux ? Impensable pour la majorité d’entre nous, et a fortiori lorsque l’on a 18 ou 22 ans. Et pourtant, nous pourrions assister à un nouveau phénomène, une prise de conscience d’une partie d’une génération qui ne veut plus subir la loi des algorithmes et qui est prête à résister à la pression sociale. Au risque de se marginaliser ?

C’est au travers de témoignages éclairants et inspirants que la journaliste Camélia Kheiredine est partie à la rencontre de ces jeunes qui ne sont pas ou plus intéressés par les réseaux sociaux et prennent leur distance avec le smartphone.

Chloé, 21 ans, quitte les réseaux sociaux pour s’adonner à la lecture

Chloé utilise les réseaux sociaux depuis ses 15 ans, principalement Instagram et Twitter par intermittence.

Arrêter les réseaux sociaux ? Elle y pensait depuis longtemps, poussée par un sentiment de perte de temps. Associé à cela des problèmes de concentration et de Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC), et d’une dépression, ou elle passait jusqu’à 12h par jour sur son téléphone. Cette dépression étant auto-entretenue par la dévalorisation sociale du fait de se comparer aux autres. N’arrivant pas à se plonger dans la lecture car se lassant après une page, elle a l’impression de consommer du contenu vide d’intérêt (« rien ne restait après avoir consommé des heures de vidéos sur tiktok »). Elle prend la décision de diminuer son usage avant d’arrêter complètement.

Son envie de reprendre la lecture a semble-t-il été un facteur motivationnel. Avec la réduction de l’usage des réseaux sociaux, Chloé a vu une diminution de son anxiété et de ses TOC, une amélioration de sa concentration et de sa confiance en elle. Sa stratégie est d’essayer de limiter l’usage du téléphone de manière générale. Dans les salles d’attente, elle développe une capacité à ne rien faire sans s’ennuyer (voir même à apprendre à s’ennuyer ?). Elle a moins le réflexe de sortir son téléphone à la moindre occasion.

Alma, 22 ans, souhaite conserver une forme d’intimité hors des réseaux sociaux

Alma fait partie de ces quelques (rares) jeunes qui n’ont jamais été inscrits sur les réseaux sociaux. Ce choix a semble-t-il été à première vue subit par la volonté de ses parents de ne pas lui offrir un téléphone portable à l’heure ou la majorité de ses camarades y passaient des heures quotidiennement.

Assez timide et pas à l’aise avec son image, elle souhaite conserver son intimité et ne pas s’exposer à d’éventuels commentaires de ses camarades. Sans réseau social, elle cultive le sentiment d’être différente des autres, ou risque d’un décalage avec ses amis (« tu vies dans une caverne ? »). Elle a depuis eu l’occasion d’y aller plusieurs fois, notamment pendant le confinement, mais n’a pas souhaité y investir du temps. Elle partage l’anecdote d’avoir été contrainte de rejoindre Facebook Messenger pour célébrer l’anniversaire d’une copine; Mais effrayée par le trop grand nombre de notifications, elle supprime son compte 3h à peine après sa création. Alma fait preuve de résistance face à un professeur qui diffusait son contenu sur Facebook pendant le confinement (son amie lui transmettait alors les cours).

Aujourd’hui, Alma vit son absence des réseaux sociaux comme un engagement qui la démarque des autres. Elle ne souhaite toujours pas étaler sa vie privée sur les réseaux sociaux.

Violette, 18 ans, apprécie sa singularité après avoir quitté les réseaux sociaux

Violette a déjà tenté à plusieurs reprises de quitter les réseaux sociaux avant d’y revenir. Elle est consciente de son addiction aux plateformes.

Mais Violette est aussi conscience de l’image qu’elle peut renvoyer d’elle-même sur les réseaux, avec le sentiment de subir une hiérarchie sociale. Elle se sent dévalorisée face à des personnes virtuellement populaires sur les réseaux. Encouragée par son entourage à quitter les réseaux, elle semble apprécier tout particulièrement sa singularité par rapport à ses camarades et le fait d’être unique dans son rapport à la technologie.

Ses échanges virtuels aujourd’hui ont lieu principalement via SMS ou whatsapp.

Elle s’amuse à observer autour d’elle, dans les transports, à conscientiser le moment présent.

Elle a le sentiment d’avoir plus de temps qu’avant. Elle discute plus directement avec les gens. Elle n’est pas a priori contre les réseaux sociaux, mais consciente de dans son propre usage, elle préfère les quitter compte tenu des risques d’addiction qu’elle éprouve.

On retrouve un peu dans le témoignage de Violette une volonté de recréer du lien et de refuser que notre expérience du monde soit appauvrie par des logiques mercantiles et addictives.

Alexandre, 26 ans, quitte les réseaux sociaux pour privilégier les interactions en face-à-face

Alexandre travaille dans une petite startup dans l’informatique. Il est conscient de la manière dont les réseaux sociaux fonctionnent, à savoir un business model orienté autour de la captation des données pour effectuer du ciblage publicitaire.

Il a une 20e d’années lorsque l’envie de quitter les réseaux sociaux se fait sentir petit à petit. Il se forge une conviction en observant ses copains qui vivaient les soirées à travers leur téléphone portable pour publier des stories. Le sentiment alors que pour certaines personnes, le virtuel prime sur le réel.  Il souhaite privilégier les interactions en face-à-face et éviter les angoisses en lien avec la validation sociale (« mon contenu va-t-il être liké ? »), en opposition avec la confiance en soi.

Alexandre est sensible aux risques liés à la technologie, à l’exploitation des données, aux services de géolocalisations demandées par des applications toujours plus curieuses, au ciblage marketing.

Lorsqu’il décide de franchir le pas, Alexandre envoie un SMS à ses relations pour indiquer qu’il quitte les réseaux sociaux. Ses relations sont surprises, car c’est une décision inimaginable pour beaucoup. Il y gagne une liberté face à l’addiction.

Il indique cependant avoir perdu pas mal de contacts suite à sa décision (notamment des potes de lycée). Il a moins d’interactions spontanées (messages d’anniversaires, aller boire un verre). Il est conscient de se fermer à un certain monde, mais est content d’interagir avec celui dans lequel on vit !

Pour voir le reportage complet, c’est par ici : Les Jeunes sans réseaux sur ARTE.

Et toi ? T’y retrouves-tu dans certaines de ces expériences ? As-tu déjà pensé à quitter les réseaux sociaux ? Peut-être as-tu franchi le pas ? Partagez-moi vos expériences dans les commentaires, je les lirai avec grand intérêt et y répondrai.

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