Transition énergétique, révolution numérique…Politiques, médias et industriels nous promettent un monde enfin affranchi du pétrole, des pollutions, des pénuries et des tensions militaires. Cet ouvrage, fruit de six années d’enquête, nous montre qu’il n’en est rien ! En nous émancipant des énergies fossiles, nous sécrétons en réalité une nouvelle dépendance : celle aux métaux rares. À rebours des discours dominants, c’est dès lors une contre-histoire de la transition énergétique que ce livre révèle. Cette nouvelle édition augmentée tient compte de l’abondante actualité liée aux métaux rares, et est enrichie d’une préface inédite de l’auteur.
Guillaume Pitron est un journaliste, auteur et réalisateur français. Il est l’auteur de deux essais traduits dans une quinzaine de pays : La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique (2018) et L’Enfer numérique. Voyage au bout d’un Like (2021).
Il a également co-écrit la fiction dystopique Prométhium (2021), qui préfigure le monde intégralement « vert » de l’année 2043.
Il intervient régulièrement auprès du parlement français et de la Commission européenne sur le sujet des métaux rares.
Avant-propos à l’édition de poche
Préface d’Hubert Védrine
Introduction
Épilogue
Remerciements
Bibliographie
Nombre de pages
320
Langue
Française
Année de publication
2018
Éditeur
Poche
ISBN
979-10209-07172
Dans La Guerre des Métaux Rares, le journaliste Guillaume nous livre une enquête absolument passionnante sur la face cachée de la mutation écologique que nous vivons actuellement. Chiffres et démonstration à l’appui, il relativise les promesses d’une révolution numérique verte qui prétendrait à elle toute seule de résoudre les grands enjeux climatiques et environnementaux.
Au fil des pages, nous prenons conscience de la réelle empreinte écologique de cette transition verte. Nos gadgets numériques, nos éoliennes, nos écrans, les batteries de nos voitures électriques… tous regorgent de métaux rares. Le coût écologique pour extraire ces métaux du sol est prodigieux : immenses quantités d’eau consommées, rejets de gaz carbonique causés par le transport, stockage et utilisation de l’énergie, absence de véritable recyclage, incidence sur la biodiversité…
On y découvre également : le potentiel minier de la France, la domination sans partage de la Chine sur la production de métaux rares, la liste rouge des métaux en voie de disparition ; et une nouvelle géopolitique des terres rares qui ne manquera pas d’alimenter les conflits des prochaines décennies.
Notre salut (et notre indépendance) passera très probablement par la relance de l’exploitation minière en France et en Europe, de manière plus écologique et en favorisant le recyclage des métaux précieux.
Un ouvrage à lire comme un thriller que je recommande à toutes les personnes prêtes à remettre en cause leurs certitudes.
Or les batteries lithium-ion sont composés à 80% de nickel, à 15% de cobalt, à 5% d’aluminium, mais aussi de lithium, de cuivre, de manganèse, d’acier ou encore de graphite. Nous savons déjà dans quelles conditions ces minerais sont extraits en Chine, au Kazakhstan et en RDC, à quoi il faut ajouter leur raffinage et toute la logistique nécessaire à leur transport et à leur assemblage. Conclusion des chercheurs de l’UCLA : la seule industrialisation d’une voiture électrique consomme trois à quatre fois plus d’énergie que celle d’un véhicule conventionnel.
Conclusion de John Peterson : « les véhicules électriques peuvent être techniquement possibles, mais leur production ne sera jamais soutenable d’un point de vue environnemental. » De nombreuses études qui se sont attelés au même exercice aboutissent d’ailleurs à des conclusions assez proches : un rapport de l’ADEME publié en 2016 conclut-il que « sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un VE est globalement proche de celle d’un véhicule diesel ». (p.75)
Le Japon a franchi une étape importante : il a pris conscience avant tout le monde que les milliers de « mines urbaines » (les décharges de produits électroniques) éparpillés dans l’archipel regorgent de terres rares. Par exemple, chacun des 200 millions de smartphones que compterait le Japon contient quelques dixièmes de grammes de métaux rares qu’il est possible d’isoler. Au total, 300 milles tonnes de terres rares dormiraient à travers le pays – de quoi assurer son auto-suffisance pour les trois prochaines décennies. (p.86)
Plus grave : à mesure qu’elle se retirait d’Afghanistan, l’armée la plus puissante du monde [l’armée américaine] aurait abandonné six milliards d’équipements militaires bourrés d’aimants – laissant n’importe quel ennemi en disposer comme il l’entend … Aux États-Unis, beaucoup ont mesuré l’ampleur de ce nouveau défi et proposent de munir les soldats de manuels leur expliquant comment extraire les produits contenant des terres rares des équipements avant de lever le camp.
Nous entrevoyons peut-être le futur des métaux rares. Dans ce monde d’après, les grandes puissances minières ne seront pas les États qui concentreront les plus fabuleux gisements de minerais, mais ceux qui disposeront des poubelles les plus prodigieuses. Nous dessinerons des cartes au trésor recensant les plus grosses montagnes de rebuts, avec des mentions spéciales pour les décombres » de classe mondiale », comme on désigne aujourd’hui certains gisements. Nos poubelles seront un pactole convoité.
La France n’a pas été épargnée. Un exemple a été rapporté par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, dans une tribune publiée par un grand quotidien du soir: «En 2001, un petit village de Haute-Garonne, Marignac, voyait avec peine disparaître l’unique usine de production de magnésium en France, sous l’effet de la concurrence chinoise. Plusieurs années après, détenant un monopole
sur le marché du magnésium, la Chine rehaussait les prix de sa production à un niveau qui aurait redonné toute sa rentabilité au site français. Entre-temps, la France avait perdu des centaines d’emplois […] dans l’allégement des voitures et des
avions.»
Un désintérêt certain pour l’industrie du raffinage des métaux a également conduit, en 2013, à la liquidation des activités françaises du Comptoir Lyon-Alemand, Louyot et Cie, une entreprise spécialisée dans le traitement des métaux précieux. «Il s’agissait de la seule société française dans le domaine des métaux rares, se désole un ancien. Près de quatre
mille emplois ont été supprimés en 2002» en France et dans le monde. Dans tous ces secteurs high-tech, les emplois en jeu étaient des métiers à haute valeur ajoutée, nécessitant des compétences très pointues.
Avec eux, c’est un savoir-faire parfois multicentenaire, avec des ramifications dans les secteurs de l’armement, de l’électronique, de l’automobile et, bien sûr, des énergies du futur, qui s’est évanoui. Or ces drames humains et sociaux viennent noircir un tableau déjà bien sombre, celui des 900 000 emplois industriels condamnés en France ces quinze dernières années, soit une chute de 25 % des effectifs. Sur la même période, la part du secteur
secondaire dans le PIB français a baissé de quatre points.
Aux États-Unis, en Europe, en France, la désindustrialisation a malmené le contrat social d’après-guerre, provoqué de graves troubles sociaux et constitué le fonds de commerce d’une pléthore de partis populistes. Si Donald Trump a réussi à accéder à la Maison-Blanche, c’est parce qu’il a pu compter sur les électeurs des États désindustrialisés de la Rust Belt («ceinture de la rouille»). Dans ces États pivots dont le choix peut faire basculer l’élection au niveau national, le candidat républicain n’a cessé de dénoncer les pratiques anti-concurrentielles chinoises et les délocalisations, soulignant la nécessité de protéger les États-Unis de la guerre aux usines menée par Pékin. Cette stratégie a payé: Trump a remporté le vote populaire dans la quasi-totalité de ces États, effaçant la confortable avance, au niveau national, dont disposait
Hillary Clinton. (p.199)
Et encore, M. Vidal admet que l’étude est incomplète: pour apprécier la réelle empreinte écologique de la transition verte, il faudrait privilégier une approche beaucoup plus holistique du cycle de vie des matières premières, en mesurant également les immenses quantités d’eau consommées par l’industrie minière, les rejets de gaz carbonique causés par le transport, le stockage et l’utilisation de l’énergie, l’impact, encore mal connu, du recyclage des technologies vertes, toutes les autres formes de pollution des écosystèmes générées par l’ensemble de ces activités – sans parler des multiples incidences sur la biodiversité. «C’est vertigineux», reconnaît le chercheur.
Chaque mois, nous décryptons l’actualité tech et son impact sur notre vie privée.
Pourtant, peu de responsables politiques maîtrisent réellement tous ces aspects. M. Vidal assure avoir tenté, ces dernières années, d’alerter le ministère français de la Recherche à ce sujet. Las! «Je n’ai jamais pu franchir les premiers barrages, aux échelons inférieurs de la hiérarchie administrative.» (p.233).
Nous avions déjà des listes d’espèces animales et végétales menacées; nous établirons bientôt des listes rouges de métaux en voie de disparition. En effet, au rythme actuel de production, les réserves rentables d’une quinzaine de métaux de base et de métaux rares seront épuisées en moins de cinquante ans; pour cinq métaux supplémentaires (y compris le fer, pourtant très abondant), ce sera avant la fin de ce siècle!. Nous nous dirigeons aussi, à court ou moyen terme, vers une pénurie de vanadium, de dysprosium, de terbium, d’europium et de néodyme. Le titane et l’indium sont également en tension, de même que le cobalt. «La prochaine pénurie va concerner ce métal, pronostique un expert. (p.234)
Les succès diplomatiques, les ambitieuses lois de transition énergétique et les plaidoyers écologiques les plus passionnés seront caducs si nous ne disposons pas de ces métaux en quantités suffisantes. Or, si l’on en croit les données existantes, la révolution verte risque d’être beaucoup plus lente qu’espéré. Surtout, elle sera emmenée par la Chine, l’un des rares pays à s’être dotés d’une stratégie d’approvisionnement adéquate. Et Pékin ne va pas accroître exagérément sa production de métaux rares pour étancher la soif du reste du monde. Non seulement parce que sa politique commerciale lui permet d’asphyxier les États occidentaux, mais parce qu’il craint à son tour que ses ressources ne s’amenuisent trop rapidement. (p.235)