Petit manifeste pour une

harmonie technologique

Les technologies numériques sont présentes partout autour de nous. De nouveaux usages émergent quotidiennement. Elles changent notre rapport au savoirs, aux apprentissages, à la construction de l’identité et aux formes de la sociabilité.

Pourtant, derrière les progrès permis par les innovations technologiques et les discours rassurants des acteurs de la Tech, se cache des conséquences délétères sur les utilisateurs et la société : influence dans nos prises de décisions, polarisation des points de vue, monétisation de notre temps de cerveau, exploitation de nos biais cognitifs, manipulation, surveillance à grande échelle, extraction de données personnelles…

Ce petit manifeste, antithèse du Petit Traité de Dissonance Technologique, ambitionne de lister les concepts, les mécanismes et les initiatives permettant de remettre l’humain au centre du jeu, afin de favoriser son autonomie et sa capacité de choisir son usage du numérique, en conscience et sans influence néfaste des acteurs de la Tech dont les objectifs ne sont pas nécessairement alignés avec ceux des utilisateurs.

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Agentivité

L’agentivité correspond à la capacité à agir sur le monde, donc à produire des effets causaux sur lui par nos propres actions. Un enfant en bas age va comprendre que bouger ses bras devant son visage produit un mouvement visible, pousser un objet le déplace, toucher certains objets produit un son, sourire éclanche un sourire en retour. Cet apprentissage est essentiel pour acquérir la capacité à agir de manière orientée vers un but. Patrick Haggard, spécialiste de l’agentitivé, considère qu’elle est, avec l’intention, un ingrédient central de l’action volontaire (qui s’oppose à l’action involontaire, donc aux automatismes comme les comportements déclenchés par association stimulus-réponse). Pour que l’action volontaire puisse se produire, il faut que l’agent se sente en contrôle de ses actions et qu’il connaisse les effets probables de ses actions, donc qu’il ait un sentiment d’agentivité. Tout l’enjeu est donc de retrouver un sentiment d’agentivité dans nos interactions avec les interfaces numériques.

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Boost

La méthode appelée boost consiste en des interventions et outils cognitifs (par exemple, ajout d’indices informationnels visibles) visant à favoriser les compétences cognitives et motivationnelles des utilisateurs. L’idée du boost s’oppose au nudge (i.e. influencer de façon inconsciente et automatique nos comportements) en cela qu’il vise à préserver l’autonomie décisionnelle des utilisateurs en les rendant plus réflexifs et conscients à l’égard des choix qu’ils font. Par exemple, redesigner les environnements numériques en ajoutant des indices de qualité épistémique (i.e. qui aide à comprendre) de l’information.

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Frictions

Consiste à introduire dans les outils numériques des mécanismes déjouant les automatismes, par exemple en ajoutant des étapes de confirmation avant de repartager une information. Par exemple : « êtes-vous sûr d’avoir bien vérifié la véracité de cette information avec de la partager ? » , l’utilisateur restant in fine libre de procéder au partage ou non. Voir « Données et Design » de la CNIL et la notion de « frictions désirables ».

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Interopérabilité (des plateformes)

En assurant la compatibilité de services de manière à ce qu’ils puissent mutuellement échanger et exploiter des informations issues d’un autre service, cela pourrait constituer le moyen de faciliter le transfert des utilisateurs vers d’autres plateformes aux modèles d’affaires alternatifs, plus respectueux de l’attention des individus, sans pour autant perdre leurs liens sociaux et/ou l’accès aux contenus souhaités.

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Méta-cognition

En psychologie, la métacognition est la « cognition sur la cognition ». Autrement dit, la métacognition consiste à avoir une activité mentale sur ses propres processus mentaux, c’est-à-dire « penser sur ses propres pensées »

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Paramétrage

Le droit au paramétrage permettrait à l’utilisateur de faire un seul paramétrage une fois pour toutes qui soit opérant sur toutes les plateformes, et d’y revenir seulement quand il le souhaite. À titre d’exemple, cela limiterait les demandes actuellement répétées des interfaces au même utilisateur de reconfigurer son choix de cookies à chaque visite (ou presque). Ensuite lui offrir la possibilité d’accéder à un tableau de bord ergonomique au sein de ses paramètres récapitulant ses choix et permettant d’effectuer des réglages plus généraux.

PIMS

Le Privacy Information Management System permet à l’utilisateur d’administrer ses données et de contrôler leur utilisation sans pour autant que celles-ci quittent le dispositif. Par exemple, un individu disposant d’un PDMS doit pouvoir payer sa facture énergétique sans transmettre au fournisseur d’énergie sa consommation d’électricité détaillée. Cela permet ainsi à l’individu de contrôler l’ensemble du cycle de vie de ses données personnelles, de leur collecte à leur destruction. Voir SOLID de Tim Berners-Lee.

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Réflexivité

Éléments internes (nos comportements, nos routines de pensée), externes (les mécanismes de l’interface, ses propriétés, les intentions derrière les contenus) et collectifs (partage d’information, communautés d’échanges, procédures de vérification) qui favorisent chez l’utilisateur une prise de recul. D’une part via des temps d’analyse de son propre comportement, de ses propres pensées (métacognition = quels sont les buts que l’individu se fixe mentalement ?). Ce recul et ces temps d’analyses peuvent avoir lieu pendant ou après l’usage. L’utilisateur est-il satisfait de sa façon d’interagir avec les interfaces, du temps qu’il y passe? D’autre part, un recul vis-à-vis du dispositif qu’il a face à lui (quelles sont les intentions des concepteurs ? Quelles sont ses possibilités d’agir sur l’interface et de la paramétrer ?…). Enfin un recul à l’égard du comportement et des intentions des autres utilisateurs afin de favoriser la collaboration, l’attention conjointe, le dialogue et le débat constructif.

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Transparence (algorithmique)

Consiste à expliciter et documenter le fonctionnement d’un modèle algorithmique et à partager les sources de données ayant servies à nourrir le modèle. Dans ce cadre, il est impératif de pouvoir mettre à disposition des chercheurs, autorités, et autres institutions académiques, les données brutes et les API permettant d’effectuer des recherches plus poussées pour en mesurer les externalités négatives, les biais potentiels… Par exemple, lorsque certains chercheurs affirment que 70% des vidéos sur le climat vues par les Américains sont climatosceptiques, à cause de l’algorithme de YouTube, cette entreprise devrait être contrainte par la loi à confirmer cette statistique ou à démontrer qu’elle est fausse.