Petit traité de

dissonance technologique

Les technologies numériques sont présentes partout autour de nous. De nouveaux usages émergent quotidiennement. Elles changent notre rapport au savoirs, aux apprentissages, à la construction de l’identité et aux formes de la sociabilité. Les plus optimistes d’entre-nous prévoient qu’elles permettront de répondre aux grands enjeux de notre civilisation.

Pourtant, cette course à l’innovation technologique ne se fait pas sans heurt. Comment gérer notre dépendance croissante aux nouveaux outils technologiques ? Comment protéger notre vie privée numérique face au Capitalisme de la Surveillance ? Comment rester maître de ses jugements et de ses décisions et conserver un esprit critique à l’heure de la Captologie ?

Longtemps inébranlable, le consensus sur les bienfaits de la numérisation du monde semble aujourd’hui se fissurer. Ce petit traité de la dissonance technologique, antithèse du Petit Manifeste pour une Harmonie Technologique, propose de questionner la voie dominante de l’innovation, le techno-solutionnisme et le narratif commercial de la révolution permanente promus par les grands acteurs du numérique.

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Bug

Le bug informatique nous bloque, nous empêche de continuer à faire ce que nous étions en train de faire, mais il nous dit et nous apprend aussi des choses, sur la matérialité des environnements numériques et la spécificité du modèle utilisé (le code par exemple). Faire l’éloge du bug, c’est refuser la passivité technologique et reprendre en main les dispositifs que nous utilisons au quotidien, c’est faire naitre l’esprit critique en favorisant la bricole, c’est défaire, démonter, pour mieux comprendre les dispositifs et ne plus les subir. Marcello Vitali-Rosati

Boucle addictive

Ensemble de tactiques addictives notamment utilisées par les acteurs de la Tech et les géants du Web pour cambrioler l’attention de nos contemporains : stimulation des réseaux dopaminergiques (par les likes, les notifications diverses), enchaînement des vidéos qui, lorsqu’elles ne sont pas vues en entier, créent un sentiment d’incomplétude cognitive, incitation à faire défiler sans fin un fil d’actualité, incitations à la peur de manquer une information cruciale…Tout est organisé pour notre faire prendre le vide ou le pas grand-chose pour un événement. Gérald Bronner

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Capitalisme de la Surveillance

En 2019, Shoshana Zuboff publie un ouvrage majeur, l’Age du Capitalisme de la Surveillance, concept dont elle détient la paternité et qui naît au moment où la bulle Internet a explosé en 2001. A l’époque, les géants du web comme Google ne savaient pas encore comment monétiser les données de leurs utilisateurs. En jouant avec les signaux laissés par les internautes, les ingénieurs du moteur de recherche se sont aperçus qu’ils pouvaient commencer à prédire le comportement des gens à partir des traces laissées derrière eux (i.e. « le surplus comportemental »), et ce, sans même en avoir conscience, constitutuant la matière première d’une toute nouvelle industrie : une économie de la surveillance. Avec l’IA qui nécessite toujours plus de données, une nouvelle phase de collecte est en cours : il faut scanner tous les visages, tous les ouvrages, tous les films…. Plus

Captologie

La captologie est l’acronyme de « Computer As Persuasive TechnOLOGIE », c’est-à-dire l’étude des technologies numériques comme outil d’influence et de persuasion des individus.

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Dark Patterns

L’expression Dark Pattern est apparue pour la première fois en 1994 dans le magazine Wired. Elle désigne les interfaces (considérées comme non éthiques) destinées à obtenir l’action recherchée de la part de l’utilisateur d’une manière trompeuse. Ces stratégies visent à l’obtention de données, l’inscription à des services ou les achats impulsifs, et agissent souvent par la captation de l’attention. Elles illustrent clairement la façon dont le design d’éléments interactifs peut, en exploitant des failles attentionnelles, leurrer ou forcer les personnes à agir d’une manière contraire à leurs intentions. 

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Immatérialité (rhétorique)

Outre le fait d’être plus sexy (la représentation préféré des réseaux est sans fil : wireless), la rhétorique de l’immatérialité a un autre avantage: elle cache les véritables enjeux et limite la capacité de compréhension – et surtout de critique – du public. Selon Starosielski « le fait de cacher la matérialité des infrastructure réduit la conscience que le public a de l’infrastructure et donc semble réduire la possibilité de la détruire et semble protéger le flux de pouvoir ancré tout le long des câbles » . Elle cache une stratégie de dissimulation. Marcello Vitali-Rosati

Impératif fonctionnel

Injonction caractérisant formellement tout système psychique. Comme tout impératif, celui-ci engendre des transgressions qui se manifestent dans une sorte d’appel de l’irrationnel, et ces transgressions, du fait de leur caractère inacceptable, font l’objet d’un refoulement. […] On devient rationnel à la suite d’un long apprentissage et d’une soumission progressive à l’impératif rationnel. Dans notre époque numérique, en tant qu’époque capitalistique […] cet impératif semble avoir trouvé un allié parfait dans un certain discours technologique : la technologie est ce qui doit fonctionner et, en même temps, ce qui permet que tout fonctionne au mieux. Marcello Vitali-Rosati

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Littératie (numérique)

Capacité critique, fondée sur l’analyse, la compréhension et la maîtrise. La littératie numérique doit être une manière de nous rendre libres en nous permettant d’être les véritables protagonistes de nos actions. Trois principes qui devraient fonder cette littératie numérique: 1) la conscience de la multiplicité des modèles 2) la recherche de technologies adéquatement complexes (ne pas se contenter de dispositifs trop simples) et 3) la maitrise de l’activité via sa capacité à modeler son environnement (et éviter la passivité) […] Ainsi, l’usage de tablettes ou de téléphones ne peut absolument pas favoriser le développement d’une littératie numérique.

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Techno-solutionnisme

Une approche selon laquelle tous les besoins sociaux sont, de fait, transformables et façon unique, claire et non ambiguë en « problèmes » qui peuvent ensuite être résolus par de bons algorithmes. Marozov dénonce cette idéologie parce qu’elle cache la complexité et la pluralité des besoins sociaux, et parce qu’elle fait passer pour transparentes, neutres et « naturelles » les stratégies de réponses mises en place par les GAFAM pour répondre à ces besoins.

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Schizophrénie

Les services numériques nous plongent dans leur propre schizophrénie, nous sommant de nous déconnecter tout en concevant des services qui renforcent toujours plus l’addiction et la compulsion. Cette schizophrénie ressemble trait pour trait aux propos des industriels du plastique qui culpabilisent ces pollueurs de consommateurs sans remettre en cause leur propre responsabilité dans la surproduction de plastiques. fing.org

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